Un jour seulement était passé, et j'avais l'impression que l'éternité s'était écoulée entre mes retrouvailles avec Sân et mon réveil le lendemain, dans l'auberge Aldor de Shattrath.
Elle m'était apparue en rêve, sur la plage, assise à contempler la mer :
"C'est si calme... Si seulement nous pouvions avoir plus d'instants privilégiés comme celui-ci, Seyes... Nous serions aux anges..."
Evidemment, elle avait raison. Etrangement, je la comprenais parfaitement en rêve, sans doute l'effet de mon imagination. Nous connaissons les rudiments de nos langages respectifs, mais nous avons encore beaucoup à apprendre, pour ce qui est de la communication, même si les gestes, les sourires, les attitudes en disaient déjà long sur nos sentiments.
Nous avions convenu de nous revoir au même endroit, devant les portes de Karazhan, lieu de batailles mais aussi d'exploits naissants, pouvant transformer la réputation de votre corps de bataille : de lâches, vous deveniez braves, affrontant la mort au sein-même du repaire de Medivh, ou au contraire, passiez de valeureux guerrier à soldat sans valeur fuyant devant la première difficulté.
Dans le cas des Parabellum et des Genèse, l'adversité, le courage et la force l'avaient emporté sur la peur. Au final, nous nous ressemblons assez, et je pense sincèrement que ce sont ces points communs qui ont permi l'entente entre nos deux camps.
La nuit tombait, il était temps pour moi de me rendre au Défilé de Deuillevent. Au fond de moi, je trouve cet endroit ennivrant : l'ambiance de mort, de doute, de peur qui y règne me rappelait l'époque où je n'étais qu'un apprenti assassin, encore maladroit, sous les ordres de ce perfide Broëndir...
Je secouais la tête. Cette histoire appartenait maintenant au passé, et cette association de bandits était, et ce depuis longtemps, dissoute, la plupart de leurs membres dormant dans la prison de Hurlevent, et Broëndir étant porté disparu...
J'arrivai enfin devant le manoir de Medivh. Des Tchoutchou massacraient des Brainless en étant en surnombre. Je vis alors Carmélia approcher, lui criais de partir, mais déjà il était trop tard... Ces pitoyables lâches l'avaient déjà grièvement blessée, et je contemplais le spectacle, agenouillé, impuissant.
Bientôt, les rangs de la Horde se renforcèrent : Zorika et Elmä, deux valeureux membres des Brainless, se présentèrent près de moi. Quelques Tchoutchou s'aventurèrent près d'elles, pensant sans doute que je les aiderais. Je souris à Elmä qui me fit un clin d'oeil, et d'une boule de feu, fit des deux Tchoutchous des torches humaines.
Ils criaient, couraient dans tous les sens, cherchant le mince filet d'eau qui coulait près du manoir, mais leur mort serait, sans aucun doute possible, extrêmement douloureuse.
Les premiers membres de Parabellum arrivèrent juste après qu'Elmä et Zorika aient achevé les deux Tchoutchou. Depuis mon tigre, j'observais les Tchoutchous restants, et espérais que Carmélia allait vite recevoir des soins.
Sân était escortée, comme à son habitude, et cette fois, ce fut elle qui avança vers moi, montée sur son Talbuk. Je regrettais de ne pas avoir un tigre un peu plus gros, car j'avais l'air d'être ridiculement petit à côté d'elle.
Sous mon casque, je rougissais, intérieurement, j'étais aux anges : elle allait bien. Je m'approchais alors à mon tour, descendais de mon tigre, et lui embrassais le front. Elle adorait cette petite attention, et il n'était pas difficile de constater que, comme pour moi, la journée lui avait paru longue en attendant nos retrouvailles.
Main dans la main, aux côtés de Deathwill, Doser, Hyann, Dreystie, Zorika et Elmä, nous arrivions à la pierre de rencontre, qui, par je ne sais quel magie, permettait de téléporter instantanément les membres manquants.
Etonnament, les Tchoutchou avaient disparu. Hyann rigola, cela me glaçait le sang. Il n'était pas maître de l'Ombre pour rien.
Une fois tous nos combattants disponibles, nous devions nous séparer, une fois encore. Le devoir nous appelait chacun de notre côté. Elle me murmura, dans son Darnassien hésitant :
"Viens à Gadgetzan quand raid fini. Surprise."
Je la regardais avec de grands yeux, me demandant ce qu'elle avait prévu. Après tout, c'était là-bas que nous nous étions vus pour la première fois.
Je lui souris et l'embrassais, en la suppliant d'être prudente. On ne sait jamais ce qu'il peut se passer, dans ce vaste manoir...
Je la serrais dans mes bras, et souhaitais beaucoup de réussite aux Parabellum.
Pour l'heure, il fallait combattre.
...
"Seyes, Seyes!"
Une voix me parlait, je ne voyais rien, je sentais les pierres froides contre mon dos.
"Tu comptes rester là longtemps? Ca y est, les potes de Medivh sont tous partis en enfer!"
Je me relevais péniblement, fatigué. Karaghentork soignait quelques blessures superficielles.
"T'as évité le pire tout à l'heure, t'as vraiment de la chance. Pour sûr, cette elfette y est pour quelque chose!"
Je lui souris et me relevais.
"Fais gaffe quand même, pas de baston pour terminer la soirée, d'accord?"
"Très bien. Mais dis-moi, quelle heure est-il?"
"Heu, ben, faut d'mander à Loë, j'suis pas expert dans tous ces trucs arcaniques moi, tu l'sais bien. Loë, ça te dit quoi ton gnomontre x500?"
"Minuit trente, gros nain."
Je levais la tête. J'allais être en retard! Je courus vers le portail que Loë avait créé.
"Hey, Seyes, tu vas encore voir ta petite mage? Passe à l'acte, gros sentimental!"
Ah, ce Karaghentork... Toujours le mot pour rire...
Le portail me fit atterrir à Darnassus, et, comme à chaque téléportation, je devais attendre que mon énergie se remplisse un peu pour pouvoir marcher.
Je passais chez le couturier sur la terasse des Marchands et fis recoudre ma chemise, avant de me diriger vers le Maître des Hypogriffes.
La soirée s'était bien passée, mis à part ces petites blessures, et j'étais maintenant en vol pour Gadgetzan, où Sân devait m'attendre, inquiète.
Ce foutu Hypogriffe me fit visiter le continent de long en large, et je me dis que les trajets sur ce territoire étaient vraiment mal faits.
Vingt minutes plus tard, je foulais enfin le sable de Tanaris, cherchant ma bien-aimée.
Elle me fit signe et courut vers moi. Elle essayait tant bien que mal de contenir des larmes d'impatience, que je lui essuyais de suite. Je ne supporte pas quand elle pleure, j'ai toujours l'impression que c'est ma faute.
Après l'avoir serrée dans mes bras, elle me demanda de monter sur mon tigre.
Je la suivis, nos deux montures courant l'une à côté de l'autre, faisant elles aussi connaissance.
Je vis alors la plage, mais Sân ne s'y arrêta pas. Elle plongea dans l'eau sans hésiter, me faisant signe de la rejoindre. Je nageais pitoyablement, devant garder mes dagues hors de l'eau. Il ne manquerait plus qu'elles rouillent!
La destination était maintenant connue, il s'agissait d'une petite île... pas déserte?!
Une gnome se tenait là en effet, et Sân, visiblement dépitée, s'excusa auprès de moi. Je lui fis un clin d'oeil et utilisais sur la gnome une de mes poudres aveuglantes, ainsi, nous serions tranquilles.
Elle s'assit sur le sable pour se sécher un peu ; je m'assis et la pris dans mes bras. Je ne saurais dire combien de temps nous sommes restés comme cela, mes mains autour de sa taille, sa tête sur mon épaule droite.
Nous étions tout simplement heureux. La pleine lune illuminait la mer, et le bruit des vagues nous apaisait : après des combats éprouvants, on ne peut rêver mieux.
Sân se leva et me prit par la main, pour m'emmener dans un hamac. Nous nous balançâmes longtemps, côte à côte. Je lui souriais et j'étais sûr à ce moment-là que mes yeux esquissaient quelques larmes de joie. Quant à elle, elle soupirait de bonheur, murmurant quelques mots en Thalassien :
"C'est si calme... Si seulement nous pouvions avoir plus d'instants
privilégiés comme celui-ci, Seyes... Nous serions aux anges..."
Je redressais la tête. N'étaient-ce pas ces mots que j'avais entendu en rêve?
Très vite, je m'enlevais cette idée de la tête, voulant profiter le plus possible de cette fin de soirée en amoureux. Nous ne parlions pas beaucoup, mais nous étions en parfaite osmose. Et l'essentiel était bien là.
Je lui montrais alors une pierre que j'avais trouvé par hasard en après-midi.
Ce qu'elle ne savait pas, c'est que j'allais en faire une bague, que je voulais lui offrir le plus tôt possible, en ayant enfin l'audace de lui demander sa main...
Edit : le passage assassin avec Broëndir fait partie du background de Seyes que je suis en train d'écrire.
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Ven 17 Aoû - 18:45
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