Après ces soirées passées avec les Parabellum devant le repaire de Medivh, et plus particulièrement avec ma douce Sân, j'entreprenais enfin de créer la plus sublime des bagues pour la plus belle des Sin'Dorei.
La tâche serait donc ardue : je n'avais pas le droit à l'erreur! Une seule erraflure, un seul tremblement pendant la taille de la pierre, et tout serait à refaire, inexorablement.
J'avais pris l'habitude de me rendre à l'Exodar, afin de consulter plusieurs experts en joaillerie.
Mon maître, Faari, m'avait promis à l'époque une grand réussite.
"Des mains aussi habiles sont faites pour ce métier. Seyes, tu créeras des bijoux si beaux et brillants qu'aucun autre joaillier ne parviendra à égaler!"
Mais aujourd'hui, j'étais dans le doute. Fébrile à l'idée d'annoncer la nouvelle à Sân, j'étais sur un petit nuage. Cette légèreté de l'esprit, si douce et rassurante soit-elle, est néanmoins dangeureuse ; je risque, par manque de concentration, de détériorer la pierre, et de n'en faire qu'un ramassis de poussière.
Je ressortais alors la gnomographie que j'avais prise avec Sân lors de notre escapade à Tanaris.
Je rougissais en revoyant ce cliché, repensais à la soirée, au bruit berçant des vagues qui venaient ça et là, au parfum de ma chère Sân, à son visage, et son sourire.
J'embrassais la gnomographie, et la rangeais dans ma bourse.
Le travail allait maintenant commencer. Ne pas penser à elle me fendait le coeur, mais je savais que si mon attention n'était pas concentrée sur la pierre, le bijou serait d'une qualité médiocre.
J'allais donc à Exodar demander conseil à mon maître, Faari.
Je reconnaissais parfaitement les lieux : combien d'heures et de jours y avais-je passé afin de faire les techniques de mon maître miennes?
Le hall de crystal, qui plus est, a des effets ennivrants sur quiconque y pénètre : le fer qui rougit, le forgeron qui donne forme à son armure, et les petits bruits de la meule qu'utilisent les Draëneis pour tailler leurs pierres mettent le beaume au coeur à tous les travailleurs.
Pour sûr, cette ambiance particulière m'avait évidemment manqué, et mon maître ne mit pas longtemps à me reconnaître :
-Seyes? Mais que fais-tu ici? Je t'ai appris tout ce que je savais, mon cher élève!
-Je vous salue, Faari. Je suis ici pour une affaire un peu... Spéciale.
-Raconte-moi tout.
Evidemment, j'étais dans l'obligation de cacher le fait que Sân appartenait à la Horde, Faari n'étant pas le genre d'homme - enfin, de Draënei - à fraterniser avec l'ennemi.
-Voilà, vous savez donc tout, maître : je sais que je suis capable de tailler cette pierre, mais intérieurement, je suis conscient qu'il faut que je sois sous vos ordres afin d'obtenir la bague parfaite. Je compte donc sur vous pour me guider si je fais un faux pas.
-L'amour... Tu le dis toi-même : bien que ce sentiment soit le plus magique de tous, il est à double tranchant. Mais je continue de penser, Seyes, que tu n'as nul besoin de moi pour t'aider à tailler cette bague.
Mais d'ailleurs, tu ne m'as toujours pas montré ta trouvaille!
Je sortais alors la draénite dorée que j'avais trouvée il y a peu de temps et que j'avais montré à Sân. Elle avait l'air enchantée par la pierre. Même si elle était encore brute, il était évident qu'une fois taillée, elle serait resplendissante.
-Pour sûr, c'est une des draénites dorées les plus belles que j'aie vu jusqu'à présent, Seyes. J'en connais une qui va être très agréablement surprise!
Allez, commence donc. Appelle-moi si tu as un souci.
Je soufflais un grand coup, posais la pierre sur l'établi, et vidais mon esprit.
Je fermais alors les yeux : je savais déjà à quoi ressemblerait la pierre une fois taillée, sertie sur cette bague. J'imaginais la coupe, prenais le diamant du maître, et commençais à tailler.
Je retrouvais alors les sensations d'autrefois : les yeux rivés sur la pierre, je manipulais délicatement le diamant qui faisait son ouvrage : peu à peu, la draénite prenait forme.
Je ne saurais dire combien de temps j'ai passé sur cette pierre ; une chose est sûre : c'était la première fois que je faisais preuve d'une telle concentration.
Avec l'or que j'avais miné le jour-même, je me dirigeais vers Edrem, maître forgeron. Il me façonna l'anneau avec une facilité déconcertante, et me le rendit.
J'assemblais enfin la pierre taillée sur l'anneau d'or.
Ornée d'un coeur en draénite pure, la bague était fin prête. Et comme me l'avait dit mon maître, elle était éblouissante.
Doser m'avait prévenu de l'absence de Sân qui était partie trouver du repos dans sa fratrie ; j'étais impatient de la retrouver, et de lui annoncer cette nouvelle...